Théâtre

L’Écriture ou la vie

Jorge Semprún — Jean-Baptiste Sastre & Hiam Abbass

Plonger dans L’Écriture ou la vie de Jorge Semprún, « survivant » du camp de concentration de Buchenwald, c’est se fondre dans les abîmes de la mémoire et l’histoire sanglante du XXe siècle qui a englouti des millions d’êtres humains. Durant cette période, l’Histoire a révélé tant de forces néfastes et maléfiques, qu’aujourd’hui encore nous en constatons les retombées dans le monde entier. « Le Mal Absolu a survécu à Auschwitz » disait Elie Wiesel. La victoire des démocraties ne l’a pas arrêté. Choisir de porter ce texte sur scène est une tentative de protéger cette mémoire constamment menacée d’un oubli inadmissible, celle des disparus et des revenants.

Travailler L’Écriture ou la vie, c’est plonger dans les affres de l’Histoire sanglante du XXe siècle que Jorge Semprún et bien d’autres ont traversée, dont certains ne sont jamais revenus.
Le XXe siècle a été certainement l’un des siècles les plus violents de l’Histoire. Il a révélé, libéré et déchaîné tant de forces néfastes, qu’aujourd’hui encore, le monde en ressent les secousses et les retombées. La planète est devenue semblable à un petit village traversé par des courants terribles, terrifiants. Il existe encore après le fascisme, la haine raciale, le fanatisme, la purification ethnique et les nationalismes exacerbés.
Le mal a ainsi survécu à Auschwitz, à l’abomination nazie.
La victoire des démocraties n’a pas arrêté le mal absolu.
Aussi, porter ce texte à la scène est une tentative de protéger la mémoire des disparus et des revenants, constamment menacée d’un « oubli inadmissible ».
Pour ne jamais oublier. Mais se pose aujourd’hui la question du témoignage.
Comment peut-on raconter quand tous les survivants auront disparu, quand les victimes et les martyrs auront glissé dans le silence de l’Histoire ?
La question est d’autant plus obsédante lorsque soi-même on n’a pas fait l’expérience des camps.
Peu de temps après la libération du camp de Buchenwald, Jorge Semprún évoque avec ses camarades la nécessité de l’artifice et de la fiction pour que le récit puisse être entendu, partagé et reçu :

« Voudra-t-on écouter nos histoires, même si elles sont bien racontées ? […]
– Ça veut dire quoi, « bien racontées » ? S’indigne quelqu’un.
Il faut dire les choses comme elles sont, sans artifices ! […]
– Raconter bien, ça veut dire : de façon à être entendus. On n’y parviendra pas sans un peu d’artifice. Suffisamment d’artifice pour que ça devienne de l’art ! […] La vérité que nous avons à dire […] n’est pas aisément crédible… Elle est même inimaginable… Comment raconter une vérité peu crédible, comment susciter l’imagination de l’inimaginable, si ce n’est en élaborant, en travaillant la réalité.
Avec un peu d’artifice, donc ! » Jorge Semprún, L’Écriture ou la vie

Voilà, c’est peut-être un début, un « possible ».
Pour conclure, je souhaiterais citer ces quelques mots d’un entretien entre Jorge Semprún et Eli Weisel :

« Se taire est interdit, parler est impossible »

Jean-Baptiste Sastre

  • Pour tous dès 15 ans
  • Durée 1h30

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Première au Théâtre des Halles, scène d'Avignon dans le cadre du Festival Off Avignon le 7 juillet 2023

D’après L’Écriture ou la vie de Jorge Semprún (1994)
Adaptation et mise en scène Jean-Baptiste Sastre et Hiam Abbass
Avec Hiam Abbass, Caroline Vicquenault, Geza Rohrig et Jean-Baptiste Sastre
Scénographie Caroline Vicquenault
Création lumière Dominique Borrini
Création masques Erhard Stiefel

Production Châteauvallon-Liberté, scène nationale
Coproduction (en cours)
Texte publié aux éditions Gallimard

Photos © Vincent Berenger – Châteauvallon-Liberté, scène nationale

Saison 22—23

Théâtre des Halles, scène d’Avignon — Festival Off Avignon
7 → 26 juillet  2023

Saison 22—23

Le Liberté, scène nationale — Toulon
Automne 2024

 

Sur scène, ils sont quatre. Deux femmes masquées, dont Hiam Abbass, qui chantera le kaddish en yiddish. Une autre, muette, symbolise ces enfants qui dormaient au pied de la cheminée des fours crématoires. Geza Rohrig ne parle ici qu’araméen – oui, cette langue morte. Sastre lit des pages de Semprún. C’est d’une belle et terrible intensité – comme toujours avec lui –, et un rien désarçonnant. On n’oubliera plus que « le Mal est l’un des projets possibles de la liberté constitutive de l’humanité de l’homme ».
Le Canard enchaîné

La petite chapelle du Théâtre des Halles est l’écrin d’une ode à la nécessité d’écrire. Malgré tout. […] Jean-Baptiste Sastre, en redingote noire et chemise blanche, est l’officiant principal des mots de Semprún. Visage habité, par le doute et l’angoisse, l’acteur semble enflammer le verbe. […] Pour évoquer la libération du camp et la quête de vies ultimes dans les baraquements où les corps s’entassent sur les châlits de bois, Sastre passe la parole au comédien hongrois […]. Geza Röhrig raconte cette scène dans sa langue que l’on semble soudain comprendre, avant même la traduction de Sastre, tant le fluide passe entre les deux. Comme un incroyable échange de voix pour mieux nous dire l’indicible.
Emmanuelle Bouchez – Télérama

En adaptant L’Écriture ou la vie de Jorge Semprún, témoignage majeur sur l’atrocité nazie, Hiam Abbass et Jean-Baptiste Sastre parviennent à créer un objet artistique subtilement intelligible et un acte de transmission nécessaire. Agnès Santi – La terrasse

Un spectacle de grande intensité pour ne jamais oublier l’irréparable, pour le présent et l’avenir. Véronique Hotte – Hottello