Théâtre

Viva Frida

Didier Goupil — Karelle Prugnaud — Claire Nebout

Frida Kahlo, une peintre devenue une icône ! Mais qui était l’artiste ? À partir de sa correspondance, librement adaptée, Claire Nebout dresse un portrait fidèle à l’irrévérence, à la force, à la joie de celle dont le dernier tableau se nomme Viva la Vida !

Lieu
  • Châteauvallon
  • Studios du Baou
  • Dates Durée estimée 1h15
  • mardi 22 février 2022 20:00
  • mercredi 23 février 2022 20:00
Tarif B
  • Plein tarif 24 €
  • Tarif préférentiel 19 €
  • Tarif avec la Carte Encore 19 €
  • Tarif formule 3 spectacles et + 18 €
  • Tarif formule 10 spectacles et + 16 €
  • Tarif demandeur d'emploi 16 €
  • Tarif jeune (- de 30 ans et étudiants) 11 €
  • Tarif solidaire 5 €
Informations pratiques

Femme, mexicaine, infirme, communiste, frappée par la poliomyélite à l’âge de six ans, victime d’un accident de bus à l’adolescence qui lui vaut de multiples opérations, pour Frida Kahlo, la lutte est une nécessité. Quelle puissance visionnaire, quel esprit fallait-il pour accoucher d’une œuvre picturale désormais reconnue comme l’une des plus originales du XXe siècle ?
Le spectacle répond en sept tableaux inspirés de ses autoportraits comme autant de jalons d’une trajectoire constellée de lumières et de douleurs, d’amours et de révoltes. Dans ses lettres, Frida est tour à tour désespérée ou dévergondée, amoureuse crédule ou narquoise, soumise ou dominatrice. Claire Nebout, guidée par Karelle Prugnaud, donne vie à Frida Kahlo intime, artiste intemporelle, anticonformiste et femme de combats.

Première à Châteauvallon

Frida Kahlo est partout ! Sa tête est sur ton T-shirt , tes boucles d’oreilles, ton sac à main, ta tasse de café, ta culotte, tes chaussettes, tatouée sur ton épaule… Mais au-delà de ce pur produit de merchandising capitaliste, aux antipodes de ses convictions profondes communistes, savons-nous vraiment qui est Frida Kahlo ?

Didier Goupil, l’auteur, est parti de la correspondance de Frida Kahlo pour construire sept tableaux comme sept étapes d’un chemin entre douleur et  abnégation, entre colère et amour.
Les confidences intimes de Frida révèlent par elles-mêmes l’intensité, l’absolutisme de son engagement dans toutes ses entreprises, que ce soit dans l’amour, la politique, la peinture, son désir d’avoir un enfant, son rapport à la douleur…

Mais malgré tout, quelque chose me dérangeait dans l’idée de m’approprier ses paroles si intimes sans considérer le contexte de souffrance extrême dans lequel elles ont été écrites et vécues. Comment représenter sur scène physiquement la permanente contrainte de ce corps supplicié ? Comment créer cette empathie de la douleur avec le public ?

Le théâtre est un espace poétique dont les conventions nous offrent d’innombrables outils. En y réfléchissant, m’est venu la figure du fakir. Les fakirs sont des exemples vivants du contrôle de la douleur. Ils s’entraînent à faire abstraction des informations envoyées par son esprit à son enveloppe charnelle. C’est ce qu’on appelle le phénomène de décorporation. Frida Kahlo vivait sa douleur, comme deux espace-temps dans la même personne.

Sur scène nous allons donc contraindre le corps de l’actrice, tout comme l’a été celui de Frida tout au long de sa vie (corsetée, alitée, suspendue par des crochets, transpercée par une barre de métal de deux mètres à 17 ans, opérée et réopérée, avortée, amputée …). La comédienne Claire Nebout sera convoquée à dire son texte sur une planche à clous, enserrée par un corset en cuir fendue par une longue barre métallique qui rappellera sa colonne brisée. Une mise à l’épreuve du corps de l’actrice pour générer l’acte théâtrale et faire naître le dire du
texte, tout comme la contrainte du corps de Frida Kahlo a été l’essence de son œuvre.

J’ai aussi pensé à l’hôpital, à la maison de repos, à ces endroits où l’on soigne, où l’on essaye d’éloigner la mort à tous prix et où Frida Kahlo a passé beaucoup de temps à espérer la fin de son calvaire. Ainsi, les deux personnages énigmatiques, fantomatique dirais-je incarnés par Gerald Groult et Rémy Lesperon, ne disent pas un mot, pour eux ce n’est pas Frida Kahlo qu’ils déshabillent mécaniquement où à qui ils tendent des béquilles, pour eux il s’agit d’un patient
lambda. Nous avons tourné autour de cette notion d’hôpital que l’on retrouve dans la tenue des deux personnages ou l’utilisation de certains passages vidéo en live par exemple.

Il n’y a pas que la douleur physique qui traverse la vie de la peintre. Il y a son histoire d’amour passionnée, violente parfois, tendre, folle, avec Diego Riviera. Monstre sacré de la peinture mexicaine. Protecteur et mari volage que Frida Kahlo dépeint tendrement comme « un crapaud » et que le vidéaste Tarik Noui a choisi pour symboliser le célèbre peintre. Cette relation houleuse mais sincère irriguera le récit de la vie de Frida jusqu’à son dernier souffle. Les correspondances de Frida Kahlo parlent de sa vie, et non de son œuvre, même si sa vie devient son œuvre, «C’est ma réalité que je peins » dit-elle. Nous allons donc utiliser les évocations symbolistes que l’on retrouve dans ses toiles, tout au long de la pièce, sans jamais tomber dans le didactisme, de l’utilisation de ses œuvres.
J’ai construit les scènes en utilisant le plateau de théâtre comme un tableau. Sa frontalité comme une peinture. La scène figure un autel, un hôpital ou cet interzone entre les vivants et les morts qui ne s’ouvre que pendant le « Día de los muertos » mexicain afin que le souvenir des défunts se mélange au réel du présent. C’est à cet endroit que j’ai convoqué la figure de Frida au milieu d’une profusion de fleurs, Les fleurs, étant l’élément essentiel de la fête des morts.
Les mexicains déposent les pétales au sol pour marquer le chemin que doivent suivre les âmes des défunts jusqu’aux autels érigés en leur honneur par leur famille. L’univers de Jean Genet autour du deuil, que ce soit à travers Pompes funèbres, Le condamné à mort, Les Bonnes… m’inspire également, pour redire les mots de cette femme pendant le temps de la représentation et redonner la vie à ce qui n’est plus, comme dans la tragédie. Redire les paroles mortes des
histoires déjà écrites à travers le micro posé au centre du plateau. Micro qui tiendrait sous scellés la mémoire de Frida Kahlo comme Diego l’a fait en emmurant sa chambre à la Casa Azul. Ce micro dit « tête de mort » est un objet magique, possédé, qui attendrait un corps pour activer le récit.

Il est à noter que cet « oratorio » n’est pas un lamento sans fin sur la condition de cette artiste. C’est une femme qui va faire de sa proximité avec la mort un instrument d’émancipation et de liberté exemplaire car c’est parce qu’elle a mal qu’elle ne peut pas se permette de faire semblant
d’être autrement qu’entière et libre.

Pour moi, Viva Frida est l’histoire d’une femme qui, sur la table de réanimation, voit sa vie défilée en une seconde juste avant de mourir, entourée de ses chirurgiens ses plus fidèles compagnons. Ironie du sort, quand elle était petite, elle voulait être médecin.
Et c’est d’eux qu’elle va recevoir son viatique.

Karelle Prugnaud

D’après Frida Kahlo par Frida Kahlo, lettres 1922-1954
Texte publié aux Éditions Christian Bourgois
Traduction Christelle Vasserot
Texte Didier Goupil
Mise en scène Karelle Prugnaud
Avec Claire Nebout, Rémy Lesperon et Gérard Groult

Création sonore et musicale Rémy Lesperon
Création vidéo Tarik Noui
Costumes Antonin Boyot-Gellibert
Sculpture scénographique Godox / Godefroy Quintanilla
Création lumière et scénographie Gérald Groult
Régie lumière et plateau Pierre-Nicolas Rauzy
Administration Fabien Méalet
Directrice de production On s’en occupe – Corine Péron

Production Compagnie L’Envers du décor
Coproduction Châteauvallon-Liberté, scène nationale / DSN – Dieppe Scène Nationale / AGHJA – scène conventionnée d’Ajaccio
Avec le soutien de l’Adami et du CENTQUATRE-PARIS
Avec le concours du ministère de la Culture DRAC Nouvelle-Aquitaine et de la Région Nouvelle-Aquitaine

Photo © Karelle Prugnaud
Texte © François Rodinson