RegardS sur 60 ans d’histoire – Marie-Christine Bossard

19/11/2025

Joëlle :
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Marie-Christine :
Je m’appelle Marie-Christine Bossard. Je suis née et j’ai grandi à Toulon.
Après le baccalauréat, j’ai étudié aux Beaux-Arts de Luminy, à Marseille.
À la fin de mes études, j’ai intégré une agence de publicité, un secteur encore très cloisonné à l’époque, aujourd’hui la communication est très globalisée alors qu’avant les métiers étaient spécialisés. Puis j’ai travaillé quelques mois dans une imprimerie. Je souhaitais comprendre en profondeur les processus techniques liés à l’objet imprimé.
Très rapidement, j’ai fondé ma propre structure, qui est devenue au fil du temps le studio MCB, que je dirige toujours aujourd’hui. Je suis graphiste, un métier que je trouve passionnant.

Parallèlement, je suis très engagée dans la vie économique locale :
— élue à la Chambre des métiers du Var,
— juge consulaire au Tribunal de commerce,
— présidente de l’association d’entreprises Valcœur à La Valette,
— et membre du collectif des EVE de l’UPV, réunissant des entrepreneuses varoises engagées.

Mon emploi du temps est dense, mais cet équilibre entre monde économique et monde artistique est essentiel pour moi. J’aime créer des ponts entre ces univers.

Joëlle :
Quels liens entretenez-vous avec Châteauvallon ?

Marie-Christine :
Je ne me souviens plus de ma toute première venue à Châteauvallon ; mon travail sur le lieu a fini par prendre le pas sur ce souvenir.
Mon histoire avec Châteauvallon débute véritablement en 1989, lorsque Daniel Bergamaschi et Geneviève Vincent me sollicitent pour collaborer sur les documents de communication.

À cette époque, je travaillais déjà avec plusieurs institutions culturelles, le musée de Toulon, la galerie Athanor à Marseille ou encore Pernod Ricard à Paris. Mon ancrage dans le monde de l’art a retenu leur attention, et j’ai commencé à concevoir les premières éditions graphiques du Théâtre National de la Danse et de l’Image (TNDI) [voir photo n°1].

La première mission consistait à valoriser le TNDI, alors identité première, Châteauvallon apparaissant en second comme une sorte de baseline. Ce premier essai a été concluant, et j’ai ensuite réalisé le premier programme du festival, conçu davantage comme un ouvrage que comme un simple programme, une particularité qui restera marquante.

Ma collaboration se poursuit jusqu’en 1998, date à laquelle l’événement politique que l’on connaît met un terme à l’aventure du TNDI.

Joëlle :
À cette époque, travailliez-vous depuis Châteauvallon ?

Marie-Christine :
J’étais la graphiste attitrée, mais mon studio était au Mourillon.
Chaque jour je montais à la Bastide de Châteauvallon pour présenter l’avancée des travaux aux équipes.
Je travaillais étroitement avec l’équipe communication, très soudée autour de Gérard Paquet :
— Geneviève Vincent, directrice de la communication,
— Carole Rambaud, conseillère artistique et responsable des programmes,
— Daniel Bergamaschi, responsable de l’information.

Je gérais en parallèle d’autres clients, mais l’édition et la conception graphique de Châteauvallon occupaient une part importante de mon travail quotidien.

Joëlle :
Quels projets ont représenté un véritable défi ?

Marie-Christine :
Le défi majeur a été de convaincre l’équipe communication d’ouvrir la direction artistique des supports à des artistes plasticiens.

J’ai été fortement marquée par l’impulsion donnée par François Mitterrand et Jack Lang, qui avaient initié un tournant dans la communication culturelle en faisant appel à des artistes.

Dans cet esprit, nous avons proposé en 1991 une première collaboration avec Serge Plagnol, artiste reconnu de la région [voir photo n°2]. Puis avec Alain Clément [voir photo n°3], et plus tard Solange Triger, artiste toulonnaise.

Cette démarche a profondément renouvelé l’identité visuelle du festival. Ce fut un défi… mais surtout un immense plaisir.

Joëlle :
Quels étaient les supports de communication du festival à cette époque ?

Marie-Christine :
Nous produisions principalement des livrets.
Une charte graphique définissait le format, mais nous faisions régulièrement évoluer l’objet pour lui redonner une dynamique, tout en respectant les contraintes techniques de l’imprimerie : tirages très importants, diffusion internationale, coûts à maîtriser.

Mon passage en imprimerie m’a été extrêmement utile : choix du papier, grammages, contraintes environnementales naissantes, photogravure, éktachromes, cromalins… Toute la chaîne était pensée pour garantir qualité et cohérence.

Nous déclinions cette identité sur :
— le catalogue complet,
— les affiches,
— les annonces presse,
— les tickets de spectacle,
— et les affiches « sucette » en ville.

Joëlle :
Quel événement marquant retenez-vous de votre collaboration avec Châteauvallon ?

Marie-Christine :
L’un des plus forts moments reste ma première communication pour le Béjart Ballet Lausanne.
L’enjeu était immense : Maurice Béjart était présent cinq jours, et deux grands gradins avaient été ajoutés pour porter la jauge à 2 000 spectateurs par soir.
Le soir de la première, j’ai vu l’amphithéâtre plein… et le public tenant dans les mains le document que j’avais conçu [voir photos n°4-1 et 4-2].
Ainsi rassemblés, ces milliers de programmes ont été pour moi un moment d’émotion intense, un sentiment de reconnaissance que je n’ai jamais oublié.

Joëlle :
Quel est votre souvenir artistique le plus marquant ?

Marie-Christine :
La découverte du butō, avec la compagnie Sankai Juku. Je suis restée stupéfaite.
Le butō, né dans les années 1960 après Hiroshima, exprime la violence, la douleur, mais aussi la renaissance. Ce sont des spectacles d’une puissance émotionnelle rare.
Programmer de telles formes artistiques internationales fait partie des grandes forces de Châteauvallon.

Joëlle :
Si fréquenter Châteauvallon donnait un super pouvoir, quel serait-il ?

Marie-Christine :
Je dirais : le don et le partage.
Le partage d’une création artistique qui rayonne bien au-delà du territoire.

Joëlle :
Quels défis attendent aujourdhui l’équipe de Châteauvallon ?

Marie-Christine :
Pour moi, le défi majeur est que Châteauvallon reste un lieu d’émerveillement pour les plus jeunes, ceux qui le découvrent pour la première fois.
Que ce site demeure associé à un souvenir d’émotion et de rêve.

Pour la communication, l’enjeu est de conserver une identité immédiatement reconnaissable, même avant la lecture.
Rester identifiable, tout en s’adaptant aux évolutions et aux nouveaux usages, sera essentiel.

Joëlle :
Votre vœu pour les 60 ans de Châteauvallon ?

Marie-Christine :
« On se donne rendez-vous dans 60 ans ? »[rires]

Photo de Marie-Christine Bossard © Guillaume Castelot – Châteauvallon-Liberté, scène nationale