RegardS sur 60 ans d’histoire – Janusz Wolanin

10/12/2025

Dans le cadre de l’année du soixantième anniversaire de Châteauvallon, portrait et entretien avec Janusz Wolanin, ancien Administrateur de Châteauvallon, et Joëlle Perrault, Directrice du mécénat et des relations entreprises.

Pouvez-vous nous aider à dresser votre fiche d’identité en quelques mots ? 

Janusz Wolanin — Je suis arrivé à Châteauvallon en décembre 1987 pour prendre mes fonctions de secrétaire comptable auprès de Nicole Jarrier, qui était alors administratrice. J’y ai finalement travaillé trente-cinq ans, de 1988 à 2023. 

Au fil des années, j’ai gravi pratiquement tous les échelons. Après le départ de la comptable, Nicole Jarrier m’a encouragé à poursuivre mes études en parallèle de mon poste. J’ai ainsi obtenu successivement les qualifications de comptable, puis de chef comptable, avant de terminer un cursus d’expertise en sept ans. 

En 2001, à la suite du départ de Nicole Jarrier, je suis devenu administrateur, fonction que j’ai occupée jusqu’en 2023.

Comment définiriez-vous le rôle d’administrateur ? Est-ce un poste qui a des spécificités liées au secteur culturel et au spectacle vivant ? 

 Janusz Wolanin — L’administrateur a en charge l’ensemble de la gestion administrative : l’organisation des réunions statutaires, la préparation et le suivi des Conseils d’administration, et les relations avec les partenaires financeurs. Cela recouvre à la fois la dimension financière, la gestion du budget, et la gestion du personnel. Cette dernière est d’ailleurs une spécificité : sauf dans les très petites entreprises, il est rare qu’un directeur administratif et financier soit responsable des ressources humaines. Dans notre secteur, du fait de la taille des équipes, la concentration des missions sur un seul poste fait partie du fonctionnement structurel. 

Si vous deviez choisir trois défis majeurs durant ces 35 années à Châteauvallon, lesquels seraient-ils ?  

Janusz Wolanin — Le premier fut d’entamer des études en parallèle de mon travail, alors que je venais de fonder une famille. Avec la naissance de mes filles, la vie était dense. Il fallait être très motivé et travailler dur : c’est probablement le défi le plus personnel. 

Le deuxième a été le passage de chef comptable à administrateur, deux métiers très différents. Le rôle qu’a joué Jean-Luc Delaunay, alors président, a été déterminant : il a accompagné ma progression, soutenu mes décisions, et m’a aidé à exercer mes responsabilités lorsque les choix étaient difficiles. Nos échanges ont été très riches et m’ont donné une véritable confiance. 

Le troisième défi a été le changement de direction, entre Christian Tamet et l’arrivée de Charles Berling, avec Pascal Boeglin comme codirectrice dans un premier temps. Ce changement a bouleversé les habitudes. Le défi était alors l’adaptation : une adaptation permanente, avec une nouvelle manière de travailler et la nécessité de trouver sa place dans une organisation différente. Entre Christian Tamet et Charles Berling, nous avons véritablement changé de monde. 

Quel est votre plus beau souvenir professionnel ? 

Janusz Wolanin — En termes de coup de cœur artistique, ce serait Angelin Preljocaj, dont j’ai suivi toute la carrière. 

Si je dois retenir un événement, ce serait 1789 et nous dans l’amphithéâtre de Châteauvallon. C’était la première fois que nous installions des gradins supplémentaires et que nous numérotions les places : nous passions de 1 200 à près de 1 900 places !  J’étais jeune et c’était la première fois que je voyais un spectacle dans un amphithéâtre à presque 2 000 personnes ! 

À l’époque, j’étais non seulement comptable, mais aussi responsable de billetterie. Tout se faisait sur un plan papier, c’était avec ce plan que nous numérotions l’amphithéâtre, car nous n’avions évidemment pas de logiciel. Le jour de l’ouverture des réservations, alors que le guichet était pris d’assaut dès 10h, nous n’avons reçu le plan qu’à 11h… et en un seul exemplaire ! On imagine le personnel d’accueil en train de noter sur des feuilles volantes les numéros des places, qu’il fallait ensuite reporter manuellement sur l’unique plan disponible. Résultat : en moyenne, vingt-cinq doublons par soir à gérer !

J’étais jeune, et il fallait courir dans l’amphithéâtre dans tous les sens pour répondre aux attentes du public. Ce d’autant plus que le tarif était exceptionnel : habituellement les places coûtaient 35 francs, mais pour cet événement elles étaient à 200 francs ! Le public avait presque l’impression d’être à l’Opéra de Paris. 

Nous avons joué dix soirs. Les deux ou trois premiers furent particulièrement difficiles, puis nous avons trouvé une nouvelle organisation en nous répartissant dans l’amphithéâtre pour réduire l’attente. Cet épisode a été extrêmement formateur : j’y ai appris à gérer des situations critiques, à garder mon calme et à faire face à un public parfois insatisfait. 

Pour toutes ces raisons, c’est peut-être l’événement professionnel qui m’a le plus marqué. 

Quel est votre plus beau souvenir artistique ? 

Janusz Wolanin — Sans hésiter, les spectacles d’Angelin Preljocaj, dont Châteauvallon fut le lieu de résidence de 1993 à 1995. Ses œuvres me touchent profondément et, au fil du temps, j’en suis devenu véritablement passionné.

Si travailler à Châteauvallon donnait un super-pouvoir, lequel serait-il ?

Janusz Wolanin — L’ouverture d’esprit.
Je n’étais pas prédestiné à travailler dans un lieu culturel : mes premières expériences étaient dans l’industrie et l’export. À Châteauvallon, j’ai découvert un monde totalement différent. J’ai toujours aimé arriver tôt le matin, profiter du calme, de la lumière, de la nature environnante. Contempler ces lieux au fil des saisons était chaque jour un étonnement.  

Dans l’esprit des pères fondateurs, vous étiez dans la contemplation. 

Janusz Wolanin — Oui, exactement. Et c’est là que je me suis dit qu’ils avaient vraiment eu raison : ils ont perçu ce lieu avant tout le monde. Au départ, il n’y avait que la Bastide et cette petite colline sur laquelle ils ont imaginé l’amphithéâtre… il fallait une véritable vision. Chapeau ! 

En cette année anniversaire des 60 ans, quel vœu souhaitez-vous formuler pour célébrer les 60 ans de Châteauvallon ? 

Janusz Wolanin — Que ça dure !  C’est selon moi le seul lieu qui possède un lieu de résidence, un lieu de répétition, des logements pour les artistes, des salles de spectacle d’hiver et d’été et un lieu de promenade magnifique. Je pense que c’est unique et que c’est une grande chance qu’il soit ici dans le Var. C’est une chance pour les artistes, pour les habitants, pour nous tous qu’il soit vivant et animé par une si belle équipe.   

Ce serait donc vraiment dommage que ce lieu ne puisse pas durer. J’ai espoir !  

Propos recueillis par Joëlle Perrault, Directrice du mécénat et des relations entreprises
Photo © Guillaume Castelot – Châteauvallon-Liberté, scène nationale