Joëlle Perrault :
Pourriez-vous chacun vous présenter en quelques mots ?
Michelle Stropoli :
Je suis Michelle Stropoli, arrivée à Toulon à l’âge de 6 ans. Je suis la maman de Stéphane et Sylvia. Nous avons fondé les établissements hôteliers Stropoli et réalisé les premiers partenariats avec Châteauvallon, notamment avec Henri Komatis et Gérard Paquet. Après le décès de Monsieur Komatis en 1986, Monsieur Paquet a poursuivi le projet, puis Madame Simone Komatis a pris le relais. J’avais des liens particuliers avec elle, Madame Paquet étant moins présente avec les prestataires. Mes enfants ont commencé à prendre le relais en 1999, et je me suis retirée progressivement.
Stéphane Stropoli :
Je suis Stéphane Stropoli, né à Ollioules. Même si j’ai grandi dans ce milieu, j’ai officiellement pris mes fonctions le 1er septembre 1999. J’ai repris très tôt les dossiers en contact avec Madame Komatis et je gère tout ça depuis 26 ans.
Sylvia Stropoli :
Je suis Sylvia Stropoli, née à Toulon. Je suis arrivée dans les hôtels en octobre 2007, après avoir passé dix ans hors de Toulon.
Joëlle :
À l’origine, vous n’aviez que l’hôtel Le Dauphiné, c’est bien cela ?
Michelle Stropoli :
Oui. Nous l’avons acheté en 1979. Il y avait trois frères sur ce projet, nous avons racheté les parts pour devenir seuls propriétaires, ce qui nous a permis de le transmettre directement à nos enfants. Nous avons effectué deux ans de gros travaux et ajouté un restaurant, car il n’y en avait pas à l’époque. L’hôtel a ouvert en 1981. En 2001, nous avons racheté l’Hôtel de la Gare, avec un an et demi de travaux, afin d’implanter des établissements correspondant à nos standards de qualité.
Joëlle Perrault :
Comment s’est initiée la collaboration entre le Grand Hôtel Dauphiné et Châteauvallon ?
Michelle Stropoli :
Henri Komatis et Gérard Paquet nous ont contactés pour nous parler de Châteauvallon. Nous n’étions pas particulièrement ouverts à la culture, mais une sympathie s’est créée. Nous avons accepté d’héberger des artistes, pensant que nous démarrions ensemble une belle aventure.
Stéphane Stropoli :
C’étaient deux entreprises sans moyens, mais nous nous sommes fait confiance. Châteauvallon avait des besoins particuliers et nous acceptions des règlements à 18 mois, ce qui était compliqué à gérer. Mais c’est cette confiance qui a permis au partenariat de durer.
Joëlle Perrault :
L’un des termes principaux du partenariat était donc de pouvoir payer en décalé.
Michelle Stropoli :
Exact. Il n’y avait pas de subventions à l’époque. Ils ont compris qu’ils avaient besoin de partenaires pour gérer la dimension commerciale de leur projet. Nous étions jeunes et enthousiastes, alors nous avons dit oui.
Joëlle Perrault :
Aujourd’hui, vous collaborez toujours en tant que partenaire hôtelier ?
Sylvia Stropoli :
Oui. Le partenariat actuel, initié par l’équipe du Liberté, dépasse le simple échange de services. Il y a un lien plus profond entre nos structures.
Joëlle Perrault :
Il y a eu des évolutions lors du changement de direction avec Christian Tamet, puis le retour au partenariat originel avec Charles Berling.
Stéphane Stropoli :
En effet !
Michelle Stropoli :
Est-ce que cela venait de sa volonté de recentrer l’économie sur le site ? Du temps des Komatis, il n’y avait pas d’hébergement pour artistes.
Joëlle Perrault :
Par la suite, des hébergements ont été créés sur le site pour les artistes en résidence.
Stéphane Stropoli :
Jean-Pierre nous a demandé si nous pouvions aider. Nous avons accepté, car il y avait une vraie amitié et un réel besoin. Ce projet a démarré au début des années 2000.
Joëlle Perrault :
Il y a eu plusieurs phases : la maison ronde avec cinq chambres et une salle commune, puis la conversion de la Bastide en hébergement.
Stéphane Stropoli :
Je crois que cela a commencé parce qu’Angelin Preljocaj avait dormi là.
Joëlle Perrault :
Et votre rôle était de les aider dans la gestion hôtelière ?
Stéphane Stropoli :
Oui, même en les mettant en contact avec notre fournisseur de lingerie.
Michelle Stropoli :
Nous avons dû organiser des séjours avec des besoins très spécifiques, comme pour Martha Graham, qui voulait 100 g de haricots verts par exemple. Elle nous a même surnommés « la fée du Dauphiné ».
Stéphane Stropoli :
Il fallait gérer les artistes sur de longs séjours. Cela dépassait l’intérêt financier, mais ne pas les aider n’avait pas de sens.
Joëlle Perrault :
Quels souvenirs vous marquent le plus ?
Sylvia Stropoli :
Le spectacle Bartabas Mozart – Requiem avec l’Opéra de Toulon, chœur et orchestre. C’était magique.
Stéphane Stropoli :
Le spectacle Malcolm X de Mohamed Rouabi m’a profondément marqué. Et j’ai eu la chance de visiter l’ensemble de Châteauvallon, derrière les coulisses.
Michelle Stropoli :
Ils ont été précurseurs en amenant la culture en dehors des structures traditionnelles, ce qui était avant-gardiste.
Stéphane Stropoli :
Un autre souvenir marquant : les acrobates pour la flamme olympique sur le toit de l’hôtel à 3h du matin, avec la police à gérer !
Joëlle Perrault :
Quel défi pour l’équipe actuelle de Châteauvallon-Liberté ?
Stéphane Stropoli :
Maintenir l’état d’esprit originel. Avec Charles Berling, nous avons retrouvé l’esprit de Madame Komatis : un vrai partenariat, pas seulement un rôle de prestataire.
Sylvia Stropoli :
Il s’agit aussi de rester en lien avec la population et le territoire, d’impliquer partenaires et salariés pour maintenir cette ouverture.
Michelle Stropoli :
Une structure comme Châteauvallon doit être intégrée à la ville, montrer son ouverture et collaborer avec les différents prestataires.
Joëlle Perrault :
Et pour les 60 ans de Châteauvallon, quels souhaits ?
Michelle Stropoli :
Je souhaite une belle continuation et que cette histoire perdure.
Stéphane Stropoli :
Je souhaite que l’état d’esprit originel continue.
Sylvia Stropoli :
Oui, l’état d’esprit ! rires
Joëlle Perrault :
Une dernière anecdote ?
Stéphane Stropoli :
Les artistes vivent dans un monde parallèle. Nous avons vu Angelin Preljocaj débuter et le suivre jusqu’à sa renommée. Nous avons connu les débuts à l’ancienne, au papier et stylo, avec quelques couacs à 3h du matin.
Joëlle Perrault :
Janusz Wolanin racontait que le premier placement de l’amphithéâtre se faisait sur un plan papier, avec une vingtaine de doublons chaque soir.
Stéphane Stropoli :
Oui, nous utilisions de grandes feuilles de réservation mensuelle, avec 15 jours au recto et 15 au verso.
Sylvia Stropoli :
Tous les soirs, le réceptionniste de nuit devait gommer et refaire sa feuille. C’était un vrai travail artistique.
Stéphane Stropoli :
Et notre veilleur de nuit Charles utilisait la calligraphie sur chaque première majuscule.
Sylvia Stropoli :
Il y avait des dessins sur le planning, c’était presque une œuvre d’art.
Joëlle Perrault :
Un dernier mot ?
Sylvia Stropoli :
Souhaitons à Châteauvallon de soutenir une nouvelle compagnie ou un nouvel artiste de renommée internationale.
Photo © Guillaume Castelot – Châteauvallon-Liberté, scène nationale