C'était un samedi
Théâtre musical

C'était un samedi

Dimitris Hadzis — Irène Bonnaud

À Ioannina, en Grèce, province d’Épire, vivait la plus ancienne communauté juive d’Europe, décimée par la déportation. À travers textes et chansons, des présences naissent d’absences, d’échos, de traces, d’histoires… Un théâtre musical de la mémoire.

C'était un samedi
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C'était un samedi
Lieu
  • Le Liberté
  • Salle Fanny Ardant
Accessibilité
  • Pour toutes et tous
    • dès 14 ans
    • Spectacle en grec surtitré en français
  • Dates Durée estimée 1h30
  • mardi 4 février 2025 19:30
  • mercredi 5 février 2025 19:30
  • jeudi 6 février 2025 19:30
Tarifs
  • Plein tarif 30 €
  • Tarif adulte avec la carte Châteauvallon-Liberté 20 €
  • Tarif partenaire (CSE et Associations culturelles partenaires) 20 €
  • Tarif - 30 ans 15 €
  • Tarif - 18 ans 10 €
  • Tarif solidaire 5 €

Avec la Carte Châteauvallon-Liberté, votre 6ème place de spectacle est offerte !

Informations pratiques

Passant des souvenirs du grand écrivain grec Dimitris Hadzis, aux témoignages des survivants qu’elle tisse de chants judéo-grecs ou judéo-espagnols, Irène Bonnaud raconte, par la voix de l’actrice et chanteuse Fotini Banou, un pan méconnu de la destruction des Juifs d’Europe. Entourée par onze fascinantes figurines de la sculptrice Clio Makris, Fotini Banou, avec tendresse et ténacité, dit le deuil, mais aussi la résistance.

Coproduction Châteauvallon-Liberté

Textes Dimitris Hadzis, Joseph Eliyian et Irène Bonnaud
Mise en scène Irène Bonnaud
Avec Fotini Banou (jeu, chant)
Scénographie (sculptures) Clio Makris
Lumière Daniel Levy
Collaboration artistique Angeliki Karabela, Dimitris Alexakis
Régie générale Apostolis Koutsianikoulis
Surtitrage Dimitris Alexakis

Production KET / TV Control Center
Coproduction Châteauvallon-Liberté, scène nationale / Théâtre National de Nice
Diffusion KET / TV Control Center (Athènes, Grèce)

Photos © Nicolas Lascourrèges
Texte © François Rodinson

 

Après Guerre des paysages (2017), notre première collaboration, un spectacle sur la guerre civile grecque, on s’est dit avec Fotini Banou qu’il y avait là un travail à poursuivre : un théâtre de la mémoire, hésitant entre littérature et document, poésie et témoignage, un théâtre où la musique, le chant, la voix peuvent faire apparaître toutes les images, tous les mondes, un théâtre qui creuse très au fond pour trouver les rêves enfouis dans le passé, les cauchemars aussi qui continuent de hanter les vivants.

Selon les chiffres avancés par R. Hilberg, M. Mazower et d’autres historiens, la Shoah en Grèce a décimé plus de 85% de la communauté juive, une proportion comparable à la Pologne.

En France, on connaît mal le sujet et on ignore tout de ce qu’on appelle la communauté juive « romaniote », c’est-à-dire de « l’Empire romain (d’Orient) », c’est-à-dire grecque, sans doute la plus ancienne communauté juive sur le continent européen, qui avait sa langue (du grec écrit en caractères hébreux), ses coutumes et sa capitale Ioannina. Le samedi 25 mars 1944, la Wehrmacht a organisé le transport de la communauté juive de Ioannina vers Auschwitz. Il n’y a eu que quelques dizaines de survivants qui souvent ont émigré ensuite vers les Etats-Unis ou Israël. La synagogue est toujours debout, mais a du mal à trouver assez de fidèles pour fonctionner. Le judéo-grec est une langue « pratiquement éteinte ».

Mon point de départ pour raconter cette histoire, la communauté romaniote et sa destruction, c’était la nouvelle, célèbre en Grèce, de l’écrivain de Ioannina Dimitris Hadzis, Sabethaï Kabilis. C’est l’histoire de deux personnages qui ont réellement existé, Sabethaï Kabilis, un grand commerçant de Ioannina, et un poète maudit, le premier militant communiste de Ioannina, mais aussi grand talmudiste et traducteur de la Torah, l’écrivain pauvre et prof de français à l’Alliance Israélite Universelle Joseph Eliyia, mort du typhus à 29 ans, en 1931. Entre eux, une relation père-fils impossible, un rêve d’amour qui, au milieu des luttes des classes, ne pouvait finir que par une rupture brutale.

Mais la nouvelle de Hadzis ne fournit au spectacle qu’un prologue : pour moi, Hadzis est un témoin parmi d’autres, il raconte la Ioannina de son enfance, avec sa communauté juive qui était là depuis des siècles. Ensuite il y a la chronique de la déportation de 1944 que j’ai écrite en construisant un puzzle avec les témoignages des rares survivants.

On les a trouvés dans des livres de souvenirs, des livres d’histoire, et aussi dans les entretiens vidéo qui ont été menés en Grèce, en Israël, aux Etats-Unis. On sait bien que les dernières personnes à avoir connu la période de la déportation disparaissent peu à peu. Se pose la question du devenir de ces témoignages. Le défi pour nous qui sommes nés bien après, c’est : comment faire pour que cette mémoire reste vive ? Qu’elle ne prenne pas la poussière dans les bibliothèques ? Comment continuer à faire entendre ces voix ?

On s’est dit que le théâtre, justement parce qu’il est un artisanat modeste, parce qu’il sait ouvrir un espace où se rassembler, où écouter une histoire, a son rôle à jouer. Contrairement à d’autres moyens de transmission plus puissants, radio, film, télévision, internet, il a pour lui la présence humaine, la ténacité de la présence humaine, et ça a quelque chose à voir avec cette histoire qu’on raconte. Brecht disait que les antennes des nouveaux moyens de communication colportaient « beaucoup de vieilles bêtises », mais que la vérité, elle, se transmet toujours de bouche à oreille.

Avec Fotini Banou, on a choisi ensemble les chansons qui ponctuent le spectacle : certaines sont des chants très caractéristiques de la communauté romaniote, l’un pour pourim, l’autre sur Abraham et Isaac, d’autres des chants sépharades en judéo-espagnol, pour évoquer la tragédie de Salonique ou de Rhodes. Il y a aussi des chansons populaires d’Epire, et on a trouvé des exemples étonnants de rengaines dont les déportés grecs à Auschwitz avaient changé les paroles pour raconter ce qu’ils vivaient : comme les Allemands ne comprenaient pas un mot de ce qu’ils chantaient, ils pouvaient se permettre de dire ce qu’ils pensaient. C’est une expérience très forte de ressusciter ces chansons qu’on connaît grâce aux témoignages des rescapés.

En écrivant la chronique, j’ai découvert que la déportation de la communauté de Ioannina touchait à plusieurs épisodes qui ont fait couler beaucoup d’encre dans l’historiographie de la Shoah : « l’affaire Kurt Waldheim » par exemple, le rôle de la Wehrmacht dans les déportations et le génocide, les quatre photos prises par un Juif grec Alberto Errera à Birkenau, la révolte du samedi 7 octobre 1944, dont je me suis aperçue que c’était aussi une histoire grecque – je ne le savais pas, personne ne le sait en France, je crois.

Par sa portée symbolique, c’est un des épisodes les plus extraordinaires de la Seconde guerre mondiale, et je trouve important que tout le monde connaisse cette histoire, que ça fasse partie de notre mémoire collective, de la mémoire grecque, de la mémoire de l’Europe.

Et tout cela dans un monologue : la sensationnelle Fotini Banou, au milieu des onze petites sculptures expressives de Clio Makris, donne des frissons d’émotion. Dans un spectacle ponctué de chansons, romaniotes, épirotes, séfarades, un rebetiko…, qu’elle chante d’une voix cristalline, a cappella – et qui elles aussi démultiplient l’émotion. […] Ce « petit » spectacle est un événement. Vous DEVEZ le voir ! Pour ma part, je ne peux qu’exprimer mes remerciements pour l’émotion qu’il m’a procurée. Το Τέταρτο Κουδούνι

Et grâce au festival Sens Interdits, un petit bijou est né dans les caves du CHRD, haut-lieu de torture pratiquée par la Gestapo : dans C’était un samedi, dirigée par Irène Bonnaud, la comédienne grecque Fotini Banou, bluffante, porte dans sa langue une mémoire que son peuple n’a pas encore vraiment assimilée, celle de la déportation des Juifs. […] La pièce laisse sans voix. Le Petit Bulletin

Parmi la vingtaine de sculptures qui occupent le plateau nu, Fotini Banou fait figure de géante. Elle semble aussi particulièrement vivante, vibrante. […] Conçue et mise en scène par la traductrice et metteure en scène Irène Bonnaud, la partition interprétée par l’artiste grecque exhume avec délicatesse la tragédie d’hier pour replacer les disparus parmi les vivants. Pour qu’au contact des premiers, les seconds puisent la force d’affronter les tragédies d’aujourd’hui. Sceneweb

Après des études en France et en Allemagne, elle créé son premier spectacle en 2001 et grâce au soutien de René Gonzalez, signe des mises en scènes remarquées au Théâtre Vidy-Lausanne (Tracteur de Heiner Müller, Lenz d’après Georg Büchner).

Metteure en scène associée au Centre Dramatique National de Dijon, elle assure la création française de The Entertainer / Music hall 56 de John Osborne, puis met en scène Le Prince travesti de Marivaux et La Charrue et les étoiles de Sean O’Casey.

Elle dirige la troupe de la Comédie-Française dans Fanny de Marcel Pagnol et les solistes de l’Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris dans l’opéra-bouffe les Troqueurs d’Antoine Dauvergne et dans Street scene, l’unique opéra américain de Kurt Weill.

Au CDN de Thionville-Lorraine, elle met en scène Soleil couchant d’Isaac Babel, puis associée au Théâtre du Nord à Lille, adapte Les Suppliantes d’Eschyle pour Retour à Argos, un spectacle sur la situation des migrants à Calais, et Conversation en Sicile d’après Elio Vittorini. Au Centre Dramatique National de Besançon, elle créé deux textes de la romancière française Violaine Schwartz, Comment on freine ? et Tableaux de Weil. Elle met en scène en 2017 son premier spectacle en grec, Guerre des paysages, sur des textes de Dimitris Alexakis et Ilias Poulos.

C’était un samedi est son premier texte écrit pour le théâtre. Elle est aussi traductrice. Elle vient de publier, aux Solitaires Intempestifs, les Tragédies complètes de Sophocle et Antoine et Cléopâtre de Shakespeare, commande pour une mise en scène de Célie Pauthe.