En nous
Cinéma

Festival FEMMES!

En nous — Régis Sauder

Avec le film En nous Régis Sauder retrouve en 2020 les élèves qu’il avait suivis dix ans plus tôt. Il dépeint le parcours de vie de chacun et nous montre une jeunesse française intelligente avec les yeux grand ouverts sur le monde. Un évènement organisé par l’association Les Chantiers du Cinéma à l’occasion de la 21e édition du Festival FEMMES ! Toulon Provence Méditerranée.

En nous
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Lieu
  • Le Liberté
  • Salle Albert Camus
Accessibilité
  • Dates Durée 1h40
  • jeudi 17 novembre 2022 20:30
10€

Il y a dix ans, Emmanuelle, professeure de français d’un lycée des quartiers Nord de Marseille, participait à un film avec ses élèves. À partir de l’étude de La Princesse de Clèves, Abou, Morgane, Laura, Cadiatou et les autres énonçaient leurs rêves, leurs désirs et leurs peurs. Tous se retrouvent aujourd’hui, les souvenirs se mélangent aux récits de leur vie et des obstacles à surmonter. Que reste-t-il de leurs espoirs de liberté, d’égalité et de fraternité ? « Je sais bien qu’il n’y a rien de plus difficile que ce que j’entreprends », cette phrase du roman trouve plus que jamais écho en eux. En nous.

Tarif 5 € | Réservations sur femmesfestival.fr

Un évènement organisé par l’association Les Chantiers du Cinéma à l’occasion de la 21e édition du Festival FEMMES ! Toulon Provence Méditerranée.

Film de Régis Sauder
Avec Laura Badrane, Cadiatou N’Diaye, Armelle Diakiese, Abou Achoumani, Albert Segarra, Anaïs Di Gregorio, Aurore Pastor, Emmanuelle Bonthoux, Morgane Sanz, Sarah Yagoubi et Virginie Da Vega Lopes
Réalisation et scénario Régis Sauder 
Image Aurélien Py et Régis Sauder 
Montage Agnès Bruckert
Son Pierre-Alain Mathieu
Montage son Nathalie Vidal
Bruitage Ellias Boughedir 
Mixage Claire André
Étalonnage Gadiel Bendelac

Direction de production Francine Cadet
Production Thomas Ordonneau (SHELLAC)
Coproduction Arte France Cinéma
Avec la participation de Arte France avec le soutien du Centre National du Cinéma et de l’Image Animée et de la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur en partenariat avec le CNC Le Fonds Image de la Diversité – Agence Nationale pour la Cohésion des Territoires – Centre National du Cinéma et de l’Image Animée et la Procirep-Angoa en production associée avec la Prod Du Sud, 529 Dragons, Cosmodigital et Studio Orlando

Photos © SHELLAC
Texte © DR

Un portrait tout en nuances de la France d’aujourd’hui. Première

En nous, singulier au pluriel, offre constamment le relief de l’intime à la réflexion politique. Télérama

Ils gardent espoir et nous avec ! Causette

Un film générationnel poignant, politique, humaniste. L’OBS

Dix ans après Nous, Princesses de Clèves, vous revenez vers ses protagonistes et leur consacrez ce second film, En nous. Comment est né ce désir de retrouvailles ?

Régis Sauder — Je n’ai jamais perdu le contact avec ces jeunes. J’étais bouleversé par ce que chacun d’eux m’avait offert avec Nous, princesses de Clèves et ce lien ne s’est jamais distendu. J’ai toujours été plus ou moins à leurs côtés. J’ai partagé avec eux certains moments difficiles, comme quand Laura et Morgane ont perdu leur maman peu de temps après le bac. Les moments joyeux aussi, comme le Mariage de Morgane. Je les ai toujours accompagnées, elles ont gardé mes enfants… Le lien est resté très fort avec elles. Avec d’autres, lorsqu’il y avait un éloignement géographique notamment, les réseaux sociaux ont pris le relais. Abou est toujours resté en contact, j’ai suivi Sarah virtuellement lors de son départ dans le Nord de la France, en Angleterre puis au Portugal… Ils me donnaient des nouvelles ou je leur en demandais, très naturellement. Un jour Morgane m’a appelé pour me parler d’un podcast d’Arte Radio, Que sont-ils devenus ? dans lequel une enseignante devenue journaliste radio retrouve ses anciens élèves, des années après. Morgane m’a dit : “Et si on faisait ça ?” J’avais déjà en tête l’idée des retrouvailles mais sans l’avoir vraiment formulée. Morgane m’a rappelé ce désir : les retrouver vraiment, dans un espace de cinéma.

La question de l’espace est centrale dans le film, notamment dans le sens où beaucoup d’entre eux sont partis…

Nous, Princesses de Clèves travaillait sur un espace commun, qui était le lycée, et donc un effet de groupe. Ces jeunes ont chacun leur espace désormais : beaucoup de choses ont changé pour eux par ce déplacement, géographique et parfois social. Le film mesure cette distance. Mais quelqu’un est resté, leur enseignante, Emmanuelle. Elle a changé aussi mais en restant au même endroit, parce que le monde a changé : le rapport à l’éducation, à ces jeunes dans les cités des quartiers Nord de Marseille, l’attente de l’institution… Quelque chose s’est joué dans ces dix ans qui tient à la mise en péril de l’école publique, aux moyens qui lui sont offerts alors que la précarité explose dans ces quartiers. J’en ai été témoin au quotidien puisque je vis avec une enseignante. J’ai eu envie de faire un film qui prendrait la mesure de ces dix ans, de cette distance vis-à-vis de l’enfance et du lieu qui nous forge, des promesses qui y sont formulées. Un film sur la nécessité de la transmission.

En nous sort en pleine campagne présidentielle. Est-ce un film politique, pour vous ?

R. S. — Tous mes films sont politiques au sens où ils racontent quelque chose de la société, de la cité. En tant que cinéastes, nous avons la responsabilité de déjouer les représentations dominantes. Je ne veux pas faire un énième film qui reproduit les clichés sur les cités. Il faut produire d’autres récits, des récits d’hospitalité, d’une société où les gens trouvent du sens dans le savoir, le soin, le collectif. Nous sommes en train de perdre ce récit, nous souffrons de son absence, et c’est une vraie matière de cinéma, il y a de l’héroïsme, de la dramaturgie, de la puissance. En nous est un film pour la salle, parce que le rapport d’échelle compte tellement. Ces jeunes sont, doivent apparaître plus grands que nous sur l’écran : ils sont héroïques, beaux, forts, émouvants. Je veux en faire des personnages de cinéma. Des personnages du réel, mais pour la salle de cinéma. Il y a dix ans, je n’avais pas conscience de cette volonté de faire d’eux des héros.

Que reste-t-il, dans En nous et pour ces jeunes, de La Princesse de Clèves ?

R. S. — Elle est là par cette phrase, « Je sais bien qu’il n’y a rien de plus difficile que ce que j’entreprends » qui continue de dire transversalement quelque chose du réel du film : il n’y a rien de plus difficile que ce que ces jeunes ont entrepris, chacun à leur endroit. “Vous êtes sur le bord du précipice”, dit Madame de Chartres à sa fille, la princesse de Clèves. Pour eux, le précipice n’est plus forcément l’amour mais parfois un choix professionnel quand le service public est en train de s’effondrer et qu’il faut sauver sa peau. La princesse de Clèves est là comme le sont ces personnages romanesques qui continuent de nous accompagner, dans tous les moments de la vie telle que l’abordent Anaïs ou Armelle. Beaucoup de mots de leurs récits sont les mots de l’école. C’est là que s’est forgé leur vocabulaire, de l’école et d’eux à la fois, ce “nous” qu’on est en train de disloquer. Ils en sont les fruits.

Pourquoi ce titre, En nous ?

R. S. — Ce « nous », c’est la société que nous formons ensemble, que nous sommes en train de construire et qui gagnerait à les regarder davantage et à les aimer. Ils font partie d’une génération qui s’empare des questions féministes, raciales et sociales. J’assume un film de wokisme, de réveil, mais c’est à eux, en eux que se construit ce récit. Le cinéma est leur territoire. C’est aussi un territoire que j’ai gagné, qui ne m’a pas été donné, que je continue de prendre à chaque film : le lieu où leurs récits rencontrent mes récits. Même si la dimension raciale notamment n’est pas la mienne, c’est ma vie, celle d’époux d’une enseignante qui continue d’y croire. C’est pour elle que j’ai fait ce film, aussi.

Propos recueillis par Noémie Luciani en décembre 2021