Théâtre

Shahada

Il y a toujours un ailleurs possible

En langue arabe, le mot Shahada a plusieurs significations : témoignage, profession de foi musulmane et martyr. Le syrien Fida Mohissen a choisi la première. Aujourd’hui directeur de théâtre à Avignon, il raconte son bouleversant chemin de vie. Un récit intime sur la tentation de l’enfermement dans un dogme et la façon de s’en libérer.

Lieu
  • Le Liberté
  • Salle Fanny Ardant
Accessibilité
  • Pour tous
    • dès 15 ans
  • Dates Durée 1h15
  • mardi 3 octobre 2023 20:00
  • mercredi 4 octobre 2023 20:00
  • jeudi 5 octobre 2023 20:00
  • vendredi 6 octobre 2023 20:00
Tarifs
  • Plein tarif 30 €
  • Tarif adulte avec la carte Châteauvallon-Liberté 20 €
  • Tarif - 30 ans 15 €
  • Tarif - 18 ans 10 €
  • Tarif solidaire 5 €

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Informations pratiques

Élevé dans le respect strict de l’islam, Fida Mohissen a, toute sa vie, été ballotté entre deux mondes. Jeune, le théâtre le passionne, mais un imam lui dit que c’est interdit par sa religion. Son arrivée en France à 25 ans le conduit à une crise identitaire. Tiraillé entre sa culture et celle de son pays d’accueil, il est sur le point de se radicaliser jusqu’au jour où… « Je suis venu vous parler. Ça ne va pas être facile ». Dans cette pièce, l’acteur se confronte au jeune Fida qu’il était. Dans un dialogue entre passé et présent, il ne cherche pas à se disculper. Il nous donne des clés pour mieux comprendre son parcours, jusqu’à cette prise de conscience libératrice.

Résidence Châteauvallon-Liberté

Texte Fida Mohissen
Mise en scène François Cervantes
Avec Fida Mohissen et Rami Rkab
Assistanat à la mise en scène Amandine du Rivau
Costumes et accessoires Virginie Breger
Création lumière Christian Pinaud
Création sonore Gabriel Acremant

Production déléguée Fabriqué à Belleville (FAB)
Coproduction L’Entreprise — Cie François Cervantes / Compagnie Isharat / Châteauvallon-Liberté, scène nationale / Théâtre de Poche – Bruxelles / Manège Maubeuge, Scène Nationale / Théâtre Montansier – Versailles / Association Centre Culturel et Artistique Jean Lurçat – Scène Nationale d’Aubusson

Photos © Debby Termonia
Texte © Vanessa Asse

Il y a deux ans, Fida Mohissen avait présenté une lecture scénique de Ô toi que j’aime, un texte qu’il avait écrit sur la radicalisation, et nous avions ensuite eu une longue discussion, sur son écriture, sur le sujet, sur la façon de le traiter sur un plateau de théâtre.

Fida m’a demandé ensuite de l’accompagner dans les changements qu’il allait faire pour ce texte, ce que j’ai fait avec plaisir : Fida me touche beaucoup et j’aime nos discussions détaillées sur la dramaturgie et l’écriture. Ô toi que j’aime, c’était une grande pièce, avec beaucoup de personnages et une grande part de fiction. J’avais proposé à Fida de resserrer autour d’une écriture plus personnelle et intime. Maintenant son texte est ramassé autour de deux « personnages » :

– Fida aujourd’hui, homme mûr vivant en France, marié, deux enfants, auteur et metteur en scène dirigeant un théâtre à Avignon

– Fida, jeune homme Syrien, érudit en langue arabe et en éducation religieuse, « imbibé de dieu », découvrant le théâtre avec passion, quittant la Syrie et découvrant l’Occident, terre diabolisée dans son pays d’origine

Après la lecture que Fida a faite à Avignon cet été, j’ai accepté de faire la mise en scène de ce texte qui porte en lui une puissance théâtrale. Il s’agira de révéler, jusque dans le système nerveux des deux acteurs, l’affrontement mortel de deux visions du monde, de deux ordres irréconciliables : une vie conçue comme un chemin vers l’au delà où le corps doit être maîtrisé, ou une vie dédiée à l’amour où le chemin possible vers le sacré serait dans la relation à l’autre.

Un homme se confie à nous, et deux aspects de ce même être se déchirent pendant cette confidence. Le mot « confidence », anciennement, voulait dire confiance. Est-ce que je peux vous faire confiance ? Est-ce que je peux me faire confiance ? Peut-être que durant toute notre vie nous cheminons avec plusieurs êtres en nous, qui tantôt s’affrontent, tantôt se mettent d’accord. Nous portons en nous un peuple, et la confidence est un premier pas vers la réunification.
François Cervantes, propos recueillis en octobre 2021

Même si la mise en scène de François Cervantes est minimaliste, même si le dispositif scénique est réduit dans sa plus simple expression (deux chaises, deux acteurs), privilégiant le discours et les mots qui vont s’échanger, on sort de Shahada bouleversé et la tête pleine de questions. L’Echo

Le paradoxe entre l’Adulte et le Jeune Homme se dessine tout au long de la pièce, signant une prose rythmée d’émotion et d’humour. Le Suricate

Fida Mohissen livre un récit éclairant sur l’emprise du religieux. La Libre Belgique

Fida Mohissen

Né en 1971, Fida Mohissen vit ses premières années à Beyrouth, puis va vivre avec sa famille dans les faubourgs de Damas en 1976 à cause de la guerre. Il passe son enfance et son adolescence dans la jeunesse du parti Baas. Il y suit une formation théâtrale dense dès son plus jeune âge. Il engloutit  les livres politiques et religieux de son père et commence très tôt à écrire pour le parti. Il intègre la Troupe universitaire Centrale et y suit une formation d’acteur, joue et tourne notamment La Règle et l’exception (Brecht) et Oncle Vania (Tchekhov). En 1992, il crée la troupe Ouchak al Massrah, soutenue par le service culturel français de Damas. Il met en scène en 1992 Antigone d’Anouilh, en 1993 Le Malentendu de Camus, en 1994 La dernière bande de Beckett et en 1995 une adaptation de Tartuffe. Chaque spectacle se joue notamment à Damas (Théâtre National) et Alep. Il dirige aussi les ateliers théâtre du Centre Culturel Français de Damas et prend la responsabilité des activités théâtre à l’École Française de Damas.

Dans les années 1990, il est invité par la France au Festival d’Avignon. Il y découvre une culture théâtrale, véritable institution, très foisonnante. C’est un choc, comparé à ce qu’il a connu en Syrie. On l’encourage alors à poursuivre sa formation sur Paris. En 1997, il intègre le cours Florent et s’inscrit en parallèle en licence d’Arts du spectacle à la Sorbonne. Au cours Florent, il dirige le spectacle Le Roi c’est le Roi de Saadallah Wannous. Mais les difficultés à s’adapter à cette nouvelle vie le mènent à une véritable crise, après toutes ces années de lecture et écrits idéologico-religieux : il abandonne, jusqu’à l’oubli, la lecture et l’écriture et décide de quitter Paris et fuir le théâtre pendant 4 ans.

Pourtant il reste lié à Saadallah Wannous, auteur qui le remet constamment en question en tant qu’homme. Il finit donc par renouer avec le théâtre en se consacrant de 2004 à 2009 à la création de Rituels pour des signes et des métamorphoses de  Wannous. En parallèle, il crée en 2005 le Théâtre Gilgamesh à Avignon, qu’il dirige jusqu’en 2010, et la Cie Gilgamesh en 2008. Il travaille ensuite à la création du Livre de Damas et des prophéties (d’après Le Viol et Un jour de notre temps) de Saadallah Wannous, qui traite des sociétés syriennes et israéliennes d’aujourd’hui. À partir de 2010, il prend la direction artistique du Théâtre Girasole à Avignon et y assure une programmation résolument contemporaine, basée sur l’exigence artistique et l’ouverture.

Suite à ce long compagnonnage avec Wannous, Fida Mohissen écrit en 2017 Ô toi que j’aime ou le récit d’une apocalypse, créé au festival off d’Avignon en 2018. La Cie Gilgamesh Théâtre change de nom pour devenir la Cie Isharat (Signes en arabe), comme pour souligner la nécessité de témoigner face au monde contemporain. En 2019, suite à une rencontre avec des collégiens et face aux temps troublés et sensibles de notre monde actuel, Fida poursuit son travail d’écriture/témoignage avec Shahada, sorte de plongée dans son passé à la recherche des signes de sa libération et de son combat.

François Cervantes

Après une formation d’ingénieur, François Cervantes étudie le théâtre à l’Espace Acteur de Paris puis à Montréal avec Eugène Lion. Il écrit pour le théâtre depuis 1981. Il crée la compagnie L’Entreprise en 1986, pour en assurer la direction artistique à la recherche d’un langage théâtral qui puisse raconter le monde d’aujourd’hui. Les tournées internationales ont donné lieu à des échanges avec des artistes interrogeant le rapport entre tradition et création. Ses rencontres ont marqué profondément les pièces de sa compagnie et l’ont autant fait aller vers l’origine du théâtre (clown, masque) que vers une écriture contemporaine, directement en prise avec le réel, cherchant le frottement entre réel et imaginaire.

Depuis 1986, une trentaine de créations ont donné lieu à plus de deux mille représentations (France, Europe, Canada, Etats-Unis, Afrique, Inde, Bangladesh, Pakistan, Indonésie, Océan Indien), dans des villages comme dans de grandes scènes et festivals.

Le parcours de François Cervantes s’enrichit de compagnonnages : Didier Mouturat, Catherine Germain ; mais aussi de collaborations : Cirque Plume, Compagnie de l’Oiseau mouche, Trottola… En 2004, la compagnie s’installe à la Friche la Belle de Mai à Marseille, pour y mener l’aventure d’une troupe, d’un répertoire et d’une relation longue et régulière avec le public. Il dirige des ateliers de formation en France et à l’étranger pour des artistes de théâtre ou de cirque. Il est auteur associé en résidences de création au CNSAD – Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris (2014-2020), et à l’ERACM – école régionale d’acteurs de Cannes et Marseille (2017-2020).